Nous avons récemment échangé avec Roméo JUGE, responsable de la thématique énergie & carbone à l’Observatoire de l'Immobilier Durable (OID), afin de faire un état des lieux des avancées significatives des bâtiments tertiaires et résidentiels dans la transition énergétique et environnementale.
Nous sommes notamment revenus sur le Baromètre de la Performance énergétique et environnementale des bâtiments (BPE) publié fin 2024.
En voici un résumé :
Propos recueillis par Jérémie JEAN & Marion DUBOIS
Contexte
>>Quel est l'historique du baromètre de l'OID ?
Le BPE est la raison d’être originelle de l’OID, fondé en 2012.
À l’origine, l’OID regroupait plusieurs acteurs, notamment des grandes foncières gérant des parcs d’immeubles de bureaux à Paris et en Ile-de-France.
L'initiative a émergé dans le contexte du Grenelle de l’environnement, qui a fixé des premiers objectifs en matière de performance énergétique pour les bâtiments existants. Cependant, à cette époque, aucun benchmark n’existait pour évaluer ces performances. Les acteurs ont mis en commun leurs données pour produire des indicateurs de consommation énergétique moyenne permettant d’établir une référence pour le marché.
Au fil du temps, le réseau de l’OID s’est élargi, et le besoin du marché pour ces données est devenu évident. Cela a conduit à une publication annuelle de l’étude. Ces dernières sont principalement collectées auprès de foncières et sociétés de gestion immobilière. Une des particularités du Baromètre est qu’il est basé exclusivement sur des données de consommations réelles.
>>Quels sont les critères spécifiques que l'OID utilise pour évaluer la performance énergétique des bâtiments dans le cadre du baromètre 2024 ?
L’OID s’est appuyé sur une base de données de 30 000 bâtiments, représentant 110 millions de m². Cette base couvre 21% des surfaces de bureaux en Ile-de-France.
La collecte des données est ouverte à toute entité, privée ou publique, membre ou non de l’OID, disposant de données de consommations réelles sur son parc de bâtiments.
>>Quels sont les principaux défis et difficultés rencontrés par les acteurs lorsqu'ils cherchent à améliorer leur performance énergétique, selon les retours que vous avez reçus ?
La principale difficulté est d’accéder à une donnée fiable et complète, c’est-à-dire couvrant tous les usages présents dans le bâtiment. En effet, environ ⅔ des données collectées en 2024 ne passent pas les tests de fiabilité mis en place par l’OID.
>>Quels chiffres clés vous ont principalement marqués dans les données de ce baromètre ?
Entre 2022 et 2023, toutes les typologies de bâtiments montrent une baisse significative de leur consommation énergétique, ajustée des variations climatiques, ce qui contraste avec les observations des années précédentes.
La reprise de l'activité économique post-Covid avait plutôt engendré une augmentation des consommations, d'autant plus importante pour les catégories d'activités les plus impactées par la crise sanitaire (hôtels, santé, centres commerciaux).
L’ensemble des activités analysées dans le Baromètre (santé, hôtel, bureaux, résidentiel, centres commerciaux, logistique) affichent une baisse de 2% à 13% en moyenne par rapport à 2022.
Dans l’ensemble, entre 2022 et 2023, la consommation finale (ajustée des variations climatiques) des bâtiments tertiaires a baissé de 7%, et celle des bâtiments résidentiels de 2%.
Depuis 2010, l’évolution de la consommation globale du parc de bureaux a été précisément mesurée, révélant une baisse de 22% en 2023, par rapport à la moyenne sur la période 2010-2019. Cette réduction représente la moitié de l’objectif fixé par le décret tertiaire pour 2030 (-40% par rapport à 2010-2019). Si l’on extrapole les tendances actuelles jusqu’à 2050, les objectifs du décret tertiaire semblent à portée de main, à condition que les efforts engagés se poursuivent.
Cette baisse est en partie attribuable aux changements post-Covid, notamment avec l’augmentation du télétravail qui a réduit la présence dans les bureaux et l’explosion du prix de l’énergie (pour les entreprises, le prix du gaz et de l’électricité a été multiplié par 2 sur les 3 dernières années) qui a incité les entreprises à diminuer leur consommation.
Impact environnemental
>>Comment les acteurs utilisent-ils le benchmark de l’OID pour évaluer la performance énergétique de leurs bâtiments ?
Beaucoup d’acteurs utilisent le benchmark de l’OID pour positionner leur parc immobilier et déterminer s’ils réduisent leur consommation plus ou moins rapidement que l’indicateur de référence de l’OID.
Il y a une forte demande pour comprendre comment sont calculés les seuils Top 15% et Top 30% relatifs à la Taxinomie européenne. Ces classifications sont cruciales et soumises à des exigences réglementaires.
De nombreuses questions portent d’ailleurs sur la méthodologie utilisée pour ces calculs. La méthodologie est publique et co-construite avec une dizaine de membres de l’OID dans un groupe de travail dédié, ouvert à tous les membres de l’association.
L’intérêt pour le Baromètre de l’OID ne cesse de croître. De plus en plus d’acteurs s’y intéressent et demandent l’ajout d’analyses plus poussées sur des segments de marchés bien précis. Les grandes entreprises, en particulier, ont besoin de se situer par rapport à un benchmark pour leurs rapports RSE et, bientôt, pour se conformer aux exigences de la CSRD. La consommation énergétique y occupe une place importante et le Baromètre permet de savoir où se positionne un bâtiment par rapport à la moyenne de sa catégorie.
Evolutions & tendances
>>Comment la performance énergétique des bâtiments tertiaires a-t-elle évoluée ces dernières années ? L’évolution prend-elle plus d’ampleur depuis la mise en place du décret tertiaire ?
L’évolution de la performance énergétique des bâtiments tertiaires ces dernières années est encourageante.
Notamment, les hôtels et les hôpitaux ont vu leur consommation diminuer de 5% en 2023, malgré une augmentation de leur occupation. Les EHPAD affichent également une baisse de leur consommation finale de 3% malgré un maintien du taux d’occupation à son niveau de 2022. Il faudra attendre les données des années suivantes pour établir s'il s'agit d'une tendance de fond ou seulement d'une inflexion passagère.
Depuis la mise en place du décret tertiaire, cette évolution a pris plus d’ampleur. Cependant, il est difficile de déterminer si cette amélioration est directement attribuable au décret ou à d’autres facteurs (augmentation des prix de l’énergie, évolution dans les usages…).
Le décret tertiaire a néanmoins permis aux acteurs de monter en compétence sur le suivi de la performance énergétique de leur parc et sur la remontée de données, tout en proposant un cadre commun de reporting.
Il y a un réel besoin de se comparer à l’échelle française et européenne dans un cadre de reporting plus précis et ambitieux.
>>Quelles sont les tendances futures en matière de performance énergétique des bâtiments dans le secteur tertiaire ?
Une autre tendance est la confrontation entre la performance énergétique d’un bâtiment et la sobriété foncière. L’objectif est d’intensifier les usages des espaces réduisant ainsi la consommation totale du parc. Pivoter vers des indicateurs de consommation d’énergie par personne et non plus par m² apparaît nécessaire afin de prendre en compte cette nouvelle dynamique.
>>Comparaison entre le secteur tertiaire et le secteur résidentiel
Au cours des 5 dernières années, les secteurs résidentiel et tertiaire ont montré des évolutions distinctes en matière de performance énergétique. Les bureaux ont réduit leur consommation énergétique de 19% en moyenne entre 2018 et 2023 (après ajustement des effets du télétravail). En revanche, le secteur du résidentiel a enregistré une baisse de seulement 5% sur la même période.
Pour rappel, le logement représente 28% de la consommation d'énergie finale du pays, soit presque deux fois plus que le tertiaire avec 16% (chiffres 2023).
Cette différence peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Tout d'abord, l'explosion récente des prix de l'énergie a davantage impacté les entreprises que les ménages, qui ont bénéficié du bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement fin 2021. En moyenne, les prix du gaz et de l'électricité ont ainsi augmenté de 120% pour les entreprises entre 2018 et 2023 tandis que l'augmentation est plutôt de 50% pour les ménages.
Ensuite, une partie des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires a été reportée sur le logement, conséquence de l'augmentation du recours au télétravail.
Enfin, la pression réglementaire sur ces deux segments du parc n’est pas la même. Si la décarbonation du parc tertiaire est particulièrement encadrée par le décret tertiaire, le secteur résidentiel est moins contraint, bien que les mesures restrictives appliquées aux passoires thermiques puissent à l'avenir inverser la tendance.
Pour aller plus loin
Edition 2024 du Baromètre de la Performance énergétique et environnementale
des bâtiments
Formulaire de contact pour devenir contributeur du Baromètre
A propos de l'OID
Association indépendante, l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) a pour but d’accélérer la transition écologique du secteur de l’immobilier en France et à l’international. Composée de plus d’une centaine d’adhérents et partenaires parmi lesquels les leaders de l’immobilier, l’OID constitue la référence pour toute la chaîne de valeur du secteur, et promeut l’intelligence collective pour résoudre les problématiques environnementales, sociales et sociétales de l’immobilier. L’OID produit des ressources et outils au service de l’intérêt général.
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